L’Hurlu berlue

journal de bord de La Berlu &

revue des hurluberlecteurs

rhinumhéro I

(NHbis 9

dans l’ancienne

numérotitulation)

Eddy Thorial : Même s’il s’agit seulement de continuer sous un nouveau nom quelque chose qui existait déjà depuis quelques années sous celui de Nouvelles Hybrides bis (Nhbis pour les amis) et avait atteint – le 18 février 2012 – sa huitième livrézon, ce n’est pas sans une notable quantité d’émoxcitation que je commence à eddythorialiser le premier numéro d’un nouveau « journal » (ce n’est pas le terme exact, puisqu’il est composé d’articles écrits ou diapozitivés très irrégulièrement, sans aucun souci de suivre une quelconque actualité, commune ou intime, journalistique ou diariste).

   Pourquoi changer de nom ? Si je devine bien les motivations de mon rédakchef (qui ne me dit pas tout) : le titre précédent résultait de distillations si nombreuses qu’il avait définitivement perdu son évidence initiale ; des manifestants passaient la nuit sous ses fenêtres en braillant « 8 n°s, ça suffit ! » ; il s’ennuie très vite, et a besoin de toujours tout reprendre à neuf, alors le titre de son journal devait bien être tablerazé lui-aussi ; il ne trouvait plus de nouveau calembour avec Nhbis …

   Mais qu’est-ce qu’un « Hurlu » ?, demandez-vous, et depuis quand le mot « berlue » peut-il être la troisième personne du singulier d’un verbe « berluer » qui n’existe pas ? – Désormais il existe. Et il était temps qu’il existât. Précizons : « berluer » ne signifie pas « avoir la berlue », mais exprimer son éberluement d’une manière congrue, donc éberluante. « Quand un poète-artiste burlesque – Chaplin, Cami, Queneau ou Allen, par exemple – a bien berlué, les spectateurs lecteurs sont éberlués. » sera une bonne illustration de ce nouveau sens du mot pour le Robert des noms communs 2013.

Et qu’est-ce qu’un « Hurlu » ? – Comme le mot le suggère, c’est quelqu’un qui hurle, mais d’étonnement avant toutd’incapacité à trouver réel ce qui a toutes les caractéristiques d’un « fait » ; pas essentiellement de souffrance, donc, même si ce sentiment qui fait écarquiller les yeux s’accompagne d’une souffrance métaphysique qui peut être très intense. Et c’est quelqu’un qui hurle silencieusement (la poésie, la peinture, la musique, l’humour et l’amour sont particulièrement susceptibles de servir de langage à l’expressionnisme inexistentialiste hurlu). Même si beaucoup de gens s’accoutument vite et définitivement à ce qu’ils croient être les conditions de leur existence, si révoltantes soient-elles parfois (= à peu près toujours), l’observation des enfants et de certains comportements adultes laisse supposer que chacun(e) de nous commence son séjour terrestre par un long stage en pays hurlu, et a en lui (elle) un(e) hurlu(e) qui ne demande qu’à se réveiller. Mais rares les hurlu(e)s qui réussissent à traduire l’infinité de leur étonnement : berluer.

   Ce « journal » est aussi le journal de bord de cette embarcation à configuration variable (entre mille-pattes, caravelle, dirigeable, radeau, sous-marin, autobus, nef des fous et kangourou) que nous avons baptisée il y a quelques années La Berlu (n’oubliez pas l’absence de « e » final, svp), ce bateau ivre à bord duquel – des passagers clandestins au capitaine en passant par les mousses, les taches, la vigie, le médecin de bâbord, le médecin de tribord, l’éléphantologue, le jardinier ou les bardes happapes -, il n’y a que des hurlus qui berluent à qui mieuh mieuh (mais c’est surtout le capitaine – que des membres de l’équipage ont très spirituellement surnommé « Grapho Man » – qui fait les articles.

(Avant de vous présenter les caractéristiques de ce numéro qui rassemble des articles mis sur le site de Nouvelles Hybrides entre début mars et début août, je vous rappelle que, quand images il y a, il suffit d’un clic sur la première pour la faire apparaître en grand et déclencher le « diaporama ». D’autre part, à celles et ceux qui, comme moi, sont allergiques à la lecture sur écran, je suggérerai voire conseillerai d’imprimer chaque article dans l’ordre où je les évoque, à la suite de cet éditorial qui fait également office de table des matières, et de faire relier le tout : avec une couverture en rhodoïd transparent, c’est du plus bel effet. Et vous pourrez le lire et relire, partie ou tout, aussi commodément que si c’était un livre acheté en librairie. Avec en prime la satisfaction quasi-fortsasienne et assez délicatement snob d’avoir un livre que personne ne trouvera jamais en librairie).

   Quoi de neuf, depuis le n°8 de feu Nhbis ? Beaucoup de choses, liées dans une large mesure à des disparitions : celle de Jean-Pierre Le Goff (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3848), qui a longtemps été un ami proche d’et.c. ; très récemment, celle de Dalibor Chatrný (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4280), un des artistes tchèques méconnus pour lesquels il a le plus de sympathie et d’estime ; et entre les deux, celle de Jacques Carelman (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4013) qu’il avait connu trop tard et trop peu, en l’invitant à une des journées d’étude sur les « livres monstres » qu’il organisait au Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis, sous l’égide de Paris 8, et auquel il avait de ce fait consacré quelques pages dans le n°3 de Nouvelles Hybrides. Le souci de rendre hommage à Dalibor Chatrný a amené très vite un deuxième article (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4328 ), qui sera certainement suivi d’autres dans les mois qui viennent. En réfléchissant sur l’apport de Carelman, le boss himself s’est aperçu que la notion même d’« objets introuvables » était introuvable avant lui, quoiqu’abondamment illustrée, et qu’elle était singulièrement féconde : de là une nouvelle « catégorie », Bureau des objets introuvables, vite riche de deux articles, sur « un billard africain » (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4043) et sur « le musée de Rien » que Vialatte avait pu visiter à Marsac (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4113). Mais c’est la volonté de célébrer durablement la mémoire de Jean-Pierre Le Goff qui a eu le plus de suites : tout d’abord, la création d’une nouvelle rubrique, nommée tout bonnement J-P L.G, et vite remplie par de nombreux articles : L’Or à la lettre (1), un texte anthologique, pour rappeler concrètement sa manière d’écrire et de voir le monde ( http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3860 ) ; une évocation concise et vivante par Bruno Duval « De la Promenade de Vénus aux abîmes du Titanic » (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3862 ) ; un autre texte où J-P LG explicite sa « philosophie » du temps, Le temps retrouvé ( http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3872) ; plusieurs études sur ses livres (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3869 ; http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3888 ;  http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3957 ) ;  un article écrit par Jean-Manuel Warnet en prévision d’une exposition à Brest en 2004 , Le goût de rêver (en couleurs) (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3979) ; un hommage conjoint à J-P LG et à Claude Gaignebet, Pleine lune (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3992) ; un quiproquo visuel legoffien suscité par un « travail hebdomadaire » de Ronan Le Berre (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3996) ; un rapprochement entre des haïkus sur moutons de Valerie Laws et des tentatives d’écriture par fourmis de J-P LG (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4002) ; une évocation poético-génétique du film tourné par Patrick Viret sur une action de J-P LG dans un phare (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4091), immédiatement suivie d’un commentaire en images de Christophe Hubert (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4094) ; une belle étude de Daniel Daligand sur « Jean-Pierre le Goff et les signes » (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4159 ).

    Deux directions d’investigations moins directement liées aux actions, aux textes ou aux livres de l’ami Jean-Pierre se sont rapidement proposées : – celle des Toponymes improbables, ouverte par des réflexions sur la sollicitation poétique des noms de lieux, à laquelle il était particulièrement sensible (Vierzehn http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3879) : s’y rattachent De Boudin froid à Angoisse, d’Angoisse à … ? (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3952); Le cercle des porteurs de toponymes improbables (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3959) ; Noms-perles, noms-cochons(http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3968) ; Daniel Daligand : Journal de voyages (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3974); Écrire avec ses pieds (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3982) ; « l’accolade du récif doré » (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3990) ; Va-t-en, « Vatan » ! Bonjour, « Aurware » ! (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4081) ; Que les pesticides ont de beaux noms ! (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4296)      – celle de la « Banalyse », « science » purement contemplative du banal, ne supposant, ne recherchant et n’aboutissant à aucun savoir, dont les « congrès » muets se sont tenus d’abord à la gare des Fades, centre de la terre dans les années 80, et dans laquelle Jean-Pierre s’était reconnu. S’y rattachent un article très enjoué de Françoise Simpère (après lecture de quelques-uns de ses livres, très recommandables à tous ceux qui souffrent de difficultés respiratoires sexuelles, il semble qu’elle écrive et même qu’elle soit toujours comme ça) La Banalyse, art du désir en Auvergne (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4070) ; Un clin de page du Grand Livre aux banalystes et à Françoise Simpère (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4099) ; Rat banalyste et banalartistes (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4083) ; L’horreur du banal produit des monstres (abc de tératologie banalytique)(http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4103) ; Éloge dela fadeur loin des Fades (Banalyse encrée en Chine?) (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4115) ; Qu’Al Banone vous mitraille, si le banal n’est plus le banal ! (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4155) ; Chavalornithobanalyse de la bêtise (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4165) ; Deux poèmes retrouvés d’Émir Liton (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4186) ; Complainte banale d’un amoureux transi (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4194) ; Queneau pata-banalyste(http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4196) ; L’exote et le banalyste (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4199) ; En deça de la mélancolie (Gerhard Richter et les cent mille couleurs du gris) (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4208) ; et, rétrospectivement, Trois lignes en quatre, ou cinq (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3870), adulterres et tremblements de tère(http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4301), La Marseillaise des moustiques de Jean-Louis Bailly (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4344) ou Pauvre Rutebeuf, pauvre monde, pauvres nous (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4221)

Du côté des Choses vues et des Critiques d'(h)art d’Hermann Krankwein, le printemps n’a pas été moins généreux : – ici, on méditera utilement sur les différences entre l’éloge de la folie au repos et sous le vent (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4007) ; on s’extaziera sur la gare ferroviaire romane de Metz (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4120), on traversera Paris en passant par d’autres passages (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4226) que ceux qu’aime emprunter l’ami Pascal Varejka – quand il se promène sans son éléphant, ou on admirera l’habileté avec laquelle l’humanité résout des problèmes qu’elle serait bien incapable de poser, version occidentale magnifiquement stupide (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3964)  ou vietnamienne mythologiquotidiennement ingénieuse (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4305)    – là, on découvrira le monde fantastique et familier de Xénia Hoffmeister (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4011); on se demandera dans quelle mesure une exposition collective d’art « drolatique » tient la promesse de son titre (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4138) ; on se demandera également si l’installation de Buren au Grand-Palais n’aurait pas été mieux à sa place dans le cadre de Paris plage (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4192); ou encore on réfléchira sur ce qui rend l’exposition de Gerhard Richter si déprimante (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4208), et sur ce qui faisait l’exposition des Maîtres du Désordre (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4266) à la fois si intéressante et si peu convaincante.

   Aussi, et enfin : – quelques « livres monstres » ou « pata-livres » : le « book in progress » électronique de Claude Meunier (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3976) ; le quatrième et dernier n° de la revue Tango (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4178); le Journal de bord de Paul Valéry (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4213); le très beau Bestiaire pour les jours de cafard de Jean Zéboulon et Zaven Paré, chez Harpo& (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=4201); des proverbes très réjouissants de Constantin Kaïteris, dans la toujours très sympathique petite revue Ficelle, de Vincent Rougier (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3994)  – et dans le rôle de la cerise sur le gâteau, en relation étroite avec ce qui précède immédiatement, puisque provoqué par la relecture de la Bibliographie des fous, de Charles Nodier, bibliophile foliephobe : une réflexion sur la disparition du Sens Commun en rapport avec l’invention de Gutenberg (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3988).

Bon. Il y a de quoi vous occuper un bon bout de temps, mais c’est assez varié, vous ne devriez pas vous ennuyer (même moi, qui ai lu et vu et revu et relu tous ces mélanges de textes et photos, même moi qui les connais comme si je les avais faits – alors que je ne suis qu’un humble eddythorialiste -, je suis encore souvent épaté par l’inventivité de tout ça. Et puis, ce n’est pas si bête que ça veut le paraître, il y a même des moments où ça a l’air profond – en tout cas, on n’a pas pied).

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter

Bonne lecture

et Bonne regardure

(J’ai même un mot d’ordre à proposer :

« Hurlus de tous les pays,

hurlunissez-vous ! »)