Hier

je suis allé promener ma colère

à Joué sur Er-

dre

(les membres de l’Association des amis du Père Ubu à jour de leur cotisation ont le droit de rajouter mentalement un M., mais ça laissera supposer qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans cette ( )ERDRE là, qui est propre, rapide, pittoresque et inodorifére)

Qu’est-ce qu’il y a à Joué sur Erdre, qui mérite qu’on fasse quatre heure de route (plus quatre au retour font huit) pour y promener sa colère ?

À Joué sur Erdre, il y a le TdM (qui pourrait se désacronymer en

Tyrannosaure du Maine,

TGV des Moutons,

Trottinette des Montagnes,

Tristesse des Maniaques,

Trafic des Moumoutes,

Tropiques des Monstres,

Tournée de la Matrone,

Tarama du Moussaillon,

Tric-trac du Mic-mac,

Tête du Marasme,

Tourbillon de Mozart,

et Tant et tant de Montages de mots encore,

mais doit être lu plus modestement « Temps d’un Moment »

et désigne un « lieu de diffusion artistique »

situé néo-ruralement dans un village de la campagne profonde

de la Loire atlantique (44)

 

Et qu’est-ce qu’il y a au TdM ?

Il y a une exposition de Katarina Kudelova (Cf http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=6763), qui vous accueille (l’exposition, Katarina est beaucoup plus souriante) par un doberman figé dans une attitude furieuse-aboyeuse et traînant un tronc d’arbre fixé sur une planche carrée à roulettes. Si vous êtes membre de la Société Protectrice des Agressés Antiaboyeurs Animés d’une Antipathie Atomique contre les Argneux Azors, vous sortez votre 22 long riffle et vous mettez en joue, mais comme vous n’êtes peut-être pas si totalement stupide que vous en avez sans doute l’air – un 22 long riffle dans le 44 ! – vous remarquez que ce chien méchant est aussi silencieux qu’immobile, vous regardez ce qui est écrit et vous voyez Promener sa colère !

 

Katarina Kudelova : Promener sa colère, 2014. Peau de veau en poils, polystyrène, résine, griffes, verre, bois, métal, plastique

 

 

Alors vous comprenez que c’est de l’art, vous rengainez votre fusil, vous sortez votre stylo et vous notez : « Le tronc, c’est moi, le chien, c’est ma colère. Ou est-ce le contraire, ma colère qui me promène ? Ou je suis les deux ? Tour à tour ? Simultanément ? Si le chien était vrai, et s’il se ruait vraiment sur moi, ma colère serait dans mon fusil, et cette saleté d’espèce de dogue ou ma si aimable personne devraient bientôt chercher un nouveau but de promenade.»

Et il y a dans l’exposition plusieurs autres animaux qui promènent leur colère, l’exhibent même, sous forme par exemple de colliers ou de peau de pétards, ou d’inscriptions à double sens (Vieille peauPeau de vacheBien dans sa peau) sur des peaux (qui sont pas de la vache, mais du cochon). Ça fait sourire parce que jusqu’à présent les moudjahidines du peuple des petits animaux ne sont jamais passés à l’acte, mais … (problème : combien faudrait-il d’escargots géants kamikazes se faisant exploser en haut de monuments comme l’obélisque de la Concorde, la tour Eiffel ou la tour Montparnasse pour qu’on cesse de manger leurs frères de petite taille ?)

 

Katarina Kudelova : « Corbeau »

 

Katarina Kudelova : (divers animaux parés à pétarader)

 

Katarina Kudelova : (les marcassins aussi)

 

Katarina Kudelova : « Errer », 2013 – Peau de veau en poils, polystyrène, résine, perles de verre.

 

 

Katarina Kudelova : (alcools de peau)

 

Katarina Kudelova : « Vieille peau » – 2012 – pyrogravure sur peau de porc –

 

Katarina Kudelova : « Bien dans sa peau » – 2012 – pyrogravure sur peau de porc –

 

Katarina Kudelova : Peau de vache – 2012 – pyrogravure sur peau de porc –

 

Katarina a l’air toute gentille et douce, mais il ne faut pas s’y fier : d’ailleurs, même si leur efficacité symbolique est limitée, les pétards peuvent être dangereux dans la réalité.

Et elle a des appuis dans la place ! La maîtresse des lieux, celle qui l’a invitée au TdM (dont ce sera hélas – les vivres venant à manquer et ceux des artistes qui ne sont pas multi-milliardaires ayant un peu de mal à vivre seulement d’amour de l’art et d’eau fraîche – la dernière exposition Cf www.letdm.fr), Annick Sterkendries est elle-aussi une artiste fabuliste, qui préfère les animaux vivants aux morts et enseigne aux premiers, par l’intermédiaire des seconds, le genre de révérence qu’ils doivent tirer aux chasseurs quand ils se trouvent dans leur champ de tir, ou imagine par peluches interposées les monstres hybrides qui pourraient naître du dérèglement montesantoïque de la Nature (un peu trop mignons pour être pris au sérieux, peut-être). Un membre de sa bande a même l’amabilité de prévenir, par des panneaux routiers, que les animaux ont pris les armes, et qu’il n’est pas absolument exclu qu’ils sachent s’en servir.

 

Annick Sterkendries : La vengeance des trophées, 2011 – Cadres, divers culs d’animaux en peluche.

Annick Sterkendries : La vengeance des trophées, 2011 – Cadres, divers culs d’animaux en peluche.

Annick Sterkendries : Monstresantos, 2011 – Peluche d’animaux hybrides –

Annick Sterkendries : Monstresantos, 2011 – Peluches d’animaux –

(Société Protectrice des Humains) : Le dernier mot – Impressions sur panneaux de bois –

Et ils ont tout plein d’amis artistes qui propagent des incitations à des régressions pueranimalières de même tonneau ! Jiem, qui fait de grandes fresques sur des murs de fermes avec des animaux anthropomorphisés et des hommes animalisés, Elsa Ferry, qui fait des perruques en poil de chat et autres fumisteries appliquées, Vivien Le Jeune Durhin qui enseigne la cruauté envers les animaux comme un nouveau bel-art, Xavier Michel, qui se demande de combien nous rapetissons lorsque nous agrandissons une mouche 100, 1000 ou 10 000 fois, Francis Alÿs, qui retrouve un tableau de Gaspard David-Friedrich dans le spectacle d’un basset contemplant la mer, …

 

Voilà ce que c’est :

on va promener sa colère

et on tombe sur un repaire

d’artistes

fabulo-écologistes

qui au lieu de faire de l’art de musée

préfèrent s’amuser

 

et de retour chez soi

on s’aperçoit

qu’on a oublié sa colère

là-bas.