Lenteur du pathos.

La tragédie fait une place royale à la lenteur / la comédie accélère tout.

Le théâtre est plus lent que le cinéma. Peut-être parce qu’on ne peut pas se le faire tout seul.

Parce qu’elle est feinte, la vitesse des acteurs, si grande soit-elle, ne peut être qu’une modalité de la lenteur. Et comme, dans la mesure où nous contrôlons l’effet de nos actes sur les autres, nous sommes tous des acteurs, nous sommes tous des imposteurs de la vitesse.

Le bon sens est une intelligence lente et fidèle à sa lenteur. Le génie est une intelligence extrêmement rapide, qui ne rejoint le bon sens que très occasionnellement.

La « bêtise » – pas plus répandue chez les animaux que chez les hommes – est une forme de lenteur d’esprit. Mais une autre sorte de lenteur d’esprit, mal discernable immédiatement, semble être une condition indispensable des vitesses les plus exceptionnelles. Le génie refuse les évidences communes, et passe pour idiot aux yeux de ceux qui, pour aller vite et faire comme tout le monde, les ont acceptées. Inversement de très zootantriques zidiots, s’ils savent se taire à propos, peuvent passer pour, sinon géniaux, du moins intelligents.

J’ai toujours été un mauvais prof – du point de vue de l’Éducation nationale – parce que j’ai toujours préféré les élèves qui comprenaient au quart de tour. Et j’ai souvent été mal noté par les inspecteurs parce que je ne croyais pas que beaucoup d’entre eux en étaient capables, ou qu’en comprenant tout de suite ils avaient tout compris.

Chacun a ses seuils de compréhension : en-deçà, tout s’illumine instantanément ; au-delà, confusion indémêlable. Et la marge de déplacement de ces seuils est très faible.

Lectures qui vous vivifient l’esprit en vous faisant penser plus vite, par des voies jamais empruntées / lectures soporifiques – soap horrificques – qui vous ralentissent et vous alourdissent.

 

Théorème de Holmes : l’accélération du pouls sous l’influence de l’amour contrarie l’impartialité de la pensée.

Chacun a des vitesses d’élocution et de pensée caractéristiques. Sans parallélisme : personnes qui parlent très vite et ne prennent même pas le temps de penser à ce qu’elles disent ; personnes qui parlent très lentement et ont de ce fait du mal à retrouver ou suivre leur pensée.

 

Vitesses figées, conserves, fossiles de vitesse : éclair gelé ; vieilles voitures qu’on fait rouler à nouveau, dont la vitesse nous apparaît ridiculement lente ; aphorismes d’Héraclite ou de Lao Tseu, qui nous apparaissent tour à tour infiniment rapides ou infiniment lents ; statues animées (caméléons de l’immobilité, à une époque où plus personne ne comprend le hiératisme des anciennes civilisations).

Nu descendant un escalier : immobilité en mouvement. Malgré la similitude des moyens, c’est le contraire de Marey, qui avait trouvé le moyen de décomposer le mouvement en succession d’immobilités. Répétition dans un tout autre contexte de la contestation Zénon / Diogène, mais contrairement à ce qu’on aurait tendance à penser, c’est Marey qui reprenait l’argumentaire mathématico-humoristique de Zénon pour démontrer l’impossibilité du mouvement, et Duchamp qui reprenait l’anti-argumentaire marcheur de Diogène. Mais l’un comme l’autre, partagés entre mouvement et immobilité, étaient infiniment plus philosophes, donc platoniciens, que ce crétin de Marinetti, incapable de voir les autres côtés de la vitesse et du mouvement.

Après sa mort – pour les raisons que disait Hegel : avènement au XVIIIème siècle d’une intelligence scientifique et technicienne qui n’en a plus besoin -, l’Art ressuscite comme oxymore : lent et rapide, respectueux et irrévérencieux, sérieux et désinvolte, savant et populaire, rigoureux et fantaisiste, traditionnel et moderne, religieux et libre, imitatif et radicalement artificiel, compréhensible de tous et excentrique. Hybride et un. Monstre et normal.

 

Érotisme et hiératisme : l’érotisme est l’hiératisme + l’électricité de la vitesse (Duchamp, qui disait que le seul -isme qui lui importait était l’érotisme, aurait peut-être accepté cette définition.

Le stade et le temple ; le cinéma et le théâtre ; le circuit automobile et la bibliothèque : lieux voués à la vitesse, lieux voués à la lenteur.

Ceux qui comprennent plus vite que les autres s’ennuient aussi beaucoup plus que les autres (innombrables exemples avec les « surdoués » dans des classes normales). Et en plus les autres, jaloux, les punissent d’avoir tout ce temps pour s’ennuyer autrement qu’eux en leur faisant subir toutes sortes de tortures bien emm…

La Mort est un ralentissement absolu. Et définitif.

Entr’acte. Un cortège funéraire qui se met à aller de plus en plus vite. C’est de l’humour, mais pas du tout de « l’humour noir ».

Marinetti : abolition du passé ! il ne doit plus y avoir que le futur (1909) ! Elie During : le futur n’existe pas (2014). Conflits d’a-théologiens, aussi irréels et éloignés du souci de la vérité du monde que les conflits de théologiens.

Blaise Pascal : le silence absolu des espaces infinis m’effraie. Paul Virilio : l’abolition de l’espace par la vitesse m’effraie. Élie During : rassurez-vous, la vitesse n’arrive pas à manger l’espace !

Marinetti : la vitesse permet de rapprocher les choses distantes, engendre la perception simultanée de « l’imagination sans fil », fait de nous des dieux. Ce n’est pas faux. Et la plupart des hommes aiment beaucoup avoir l’impression d’être promus dieux – ou déesses. Surtout quand ils travaillent comme caissières, ou éboueurs.

La lumière parcourt 300 000 km à la seconde. La pensée ? La lumière qu’est la pensée ?

Peur de la mort = peur de l’ennui de la mort. Peur de la paralysie de la mort. C’est le sentiment qu’en avaient les Grecs.

 

Deleuze disait qu’il fallait quelquefois penser vite, d’autres fois lentement, mais si une philosophie seulement lente est sûrement fausse, tout comme une philosophie seulement rapide, ni la vitesse ni la lenteur ne garantissent la justesse.

Lenteur imposée par les faux problèmes et les fausses solutions.

Objectivement, une tortue sur un tapis volant va plus vite qu’une tortue à terre. Subjectivement, si on ne lui laisse pas le temps d’atteindre le bord du tapis et de tomber très vite, en tuant peut-être un poète grec, elle ne se rend compte de rien. Et comme le tapis n’a pas de conscience, bien que volant, lui non plus.

Besoin de vitesse des enfants. Plaisir de la vitesse des enfants. Les adultes doivent les forcer à ralentir, pour qu’ils puissent accéder à d’autres formes de vitesse.

Impatience : ça ne va pas assez vite. Perdre patience : je dois passer la vitesse supérieure.

Vitesse, vivacité, gaieté.

 

Quelqu’un qui veut nous faire rire doit nous précéder, comprendre plus vite que nous les conséquences ridicules de tel ou tel propos, acte.

L’interdit des redondances dans le discours est comme, sur certains couloirs d’autoroute, l’interdiction de rouler moins vite que tant à l’heure.

ELISA : ASILE. Toute équation anagrammatique permet d’aller instantanément – une fois résolue – d’un terme à un autre, avec lequel il ne semblait pas avoir de rapport. Mais la justesse mathématique ne va pas nécessairement avec la justesse de l’association. En dépassant le mur de l’absence de son de la pensée, il arrive qu’on passe le mur du ç.. Deux murs d’un coup !

Héros de la vitesse : le pilote brésilien Ayrton Senna, après sa mort à 34 ans à la suite du grand prix de Saint Marin, le 1er mai 1994, a eu droit à des funérailles nationales.

Le modernisme de Picabia, celui de Cendrars, s’exprimaient aussi par leur amour des voitures rapides. Et eux-aussi, comme tous les poètes « avant-gardistes » de cette époque, qu’on les étiquette « expressionnistes », « futuristes », « aveniristes », « fantaisistes », « suprématistes », « dadaïstes », « constructivistes », « surréalistes », … sont des héros de la vitesse. Mais d’une autre sorte.

Frustration de la plupart des automobilistes contraints de rouler beaucoup plus lentement qu’ils ne pourraient (augmentée, en France, par l’absurde politique hyper-répressive du gouvernement …) . Certains compensent en faisant de la course de Formule 1, d’autres en regardant les premiers à la télé, d’autres encore, qui sont parfois les mêmes, se procurent le sentiment d’une vitesse maximale en faisant du vélo.

« Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire ? » À 85 ans, son mari mort, elle entonne la rengaine de Marianne dans Pierrot le fou – qu’elle n’a sans doute jamais vu. Maintenant qu’il n’est plus là, se dépêcher pour qui, pour aller où ?

Les oies (de Bernache, aussi appelées Outardes, qui se reproduisent au Canada, mais font des voyages touristiques jusqu’à Liège, et peut-être même jusqu’à Dijon) ont des airs d’éternels promeneurs. De temps en temps, elles rentrent leur long cou dans leur absence d’épaules et le ressortent aussitôt en une manière de salut poli.

Le sentiment d’urgence de la vie est-il proportionné à « l’espérance de vie » ? Boris Vian savait qu’il allait mourir jeune, et il a exprimé ce sentiment comme personne : « J’voudrais pas crever / avant d’avoir connu les chiens noirs du Mexique / qui dorment sans rêver / les singes à cul nu dévoreurs de Tropiques / les araignées d’argent au nid truffé de bleu / je voudrais pas crever / sans savoir si la lune / sous son faux air de thune / a un côté pointu / si le soleil est froid / si les quatre saisons ne sont vraiment que quatre / sans avoir essayé de porter une robe sur les grands boulevards / sans avoir regardé dans un regard d’égout / sans avoir mis mon zob dans des coinstots bizarres / je voudrais pas finir / sans connaître la lèpre / et les 7 maladies qu’on attrape là-bas / le bon ni le mauvais ne me feraient de peine / si … si … si je savais que j’en aurais l’étrenne /mais il y a aussi tout ce que je connais / tout ce que j’apprécie / que je sais qui me plaît / le fond vert de la mer sur le sable ondulé / l’herbe grillée de juin / la terre qui craquèle / l’odeur des conifères / et les baisers de celle / que ceci que cela / la belle que voilà / mon ourson / Ursula / je voudrais pas crever avant d’avoir usé / sa bouche avec ma bouche / son corps avec mes mains / le reste avec mes yeux / J’en dis pas plus / faut bien rester révérencieux. / Je voudrais pas mourir sans qu’on ait inventé les roses éternelles / la journée de deux heures / la mer à la montagne / la montagne à la mer / la fin de la douleur / les journaux en couleur / tous les enfants contents / et tant de trucs encore / qui dorment dans les crânes / des géniaux ingénieurs / des jardiniers joviaux / des soucieux socialistes / des urbains urbanistes / des pensifs penseurs / tant de choses à voir / à voir et à zentendre / tant de temps à attendre / à chercher dans le noir / mais moi je vois la fin / qui grouille et qui s’amène avec sa gueule moche / et qui m’ouvre ses bras de grenouille bancroche / je voudrais pas crever non Monsieur non Madame / avant d’avoir tâté le goût qui me tourmente / le goût qui est le plus fort / je voudrais pas crever / avant d’avoir goûté la saveur de la mort » ou «  Il a dévalé la colline / ses pas faisaient rouler des pierres / là haut entre les quatre murs la sirène chantait sans joie / il respirait l’odeur des arbres / il respirait de tout son corps / la lumière l’accompagnait et il faisait danser son ombre / pourvu qu’ils me laissent le temps / il sautait à travers les herbes / il a cueilli deux feuilles jaunes gorgées de sève et de soleil / des canons d’acier bleu crachaient de courtes flammes de feu sec / pourvu qu’ils me laissent le temps / il est arrivé près de l’eau / il a plongé son visage / il riait de joie / il a bu / pourvu qu’ils me laissent le temps / il s’est relevé pour sauter / pourvu qu’ils me laissent le temps / une abeille de cuivre chaud l’a foudroyé sur l’autre rive / le sang et l’eau se sont mêlés / il avait eu le temps de voir / le temps de boire à ce ruisseau / le temps de porter à sa bouche deux feuilles gorgées de soleil / le temps de rire aux assassins / le temps d’atteindre l’autre rive / le temps de courir vers la femme / il avait eu le temps de vivre. »

Mais pour tous ces animaux qui ne savent pas leur espérance de vie, quelle raison de se dépêcher ? Le jour de l’éphémère égale les 150 à 200 ans de la tortue des Galapagos, et si l’une d’elle lisait la fable de La Fontaine elle concevrait sans doute des doutes sur la santé mentale de celui qui a écrit de telles billevesées (Si on lui objecte que c’est une fable écrite pour des hommes, elle pourra demander en retour pourquoi on la lui a donnée à lire, et qu’est-ce qui a autorisé ce Monsieur la Fontaine a parler de ce à quoi, de toute évidence, il ne comprend rien). Et qu’en est-il de l’impatience des hommes ? Quelquefois il semble que la plupart sont comme les animaux inconscients de leur mort programmée : on ne voit autour de soi que fonctionnaires, employés, bourgeois, paysans aux vies bien réglées, et très rares les aventuriers, les artistes, les poètes, les écrivains, les courtisanes qui brûlent leur vie. 99 % de fourmis, 1 % de cigales. D’autres fois il semble qu’une cigale se cache derrière chaque fourmi, et que tout le mal dans les sociétés humaines vient de ce que que chacun n’a que trop conscience de la brièveté et du caractère unique de sa vie, essayant d’en jouir au maximum, sans trop se soucier ni de la morale ni des lois, pendant qu’il est encore temps.

Apparitions de la vie lente. Les réunions de famille sont une des rares occasions que nous ayons de prendre conscience des innombrables ramifications de la vie lente dont nous faisons partie. Illuminations archéologiques. Aperçus sur le Temps latent. Quand on tombe amoureux, on a une conscience très marginale de la famille de celle ou celui qu’on aime : c’est au moment du mariage qu’on commence à se rendre compte, lorsqu’on vous présente le cousin Gontran, qui est un peu demeuré mais brave, la tante Julie, imbattable au rami, l’oncle Marcel, chaud lapin, Dondon Bunker, la belle doche qui mérite bien son nom, Lulu, le frérot, un type plutôt sympathique et intelligent, dont tout le monde se demande comment il a pu ne pas encore transformer en saucisson sa pisse-froid de bonne-femme, le papy Jean-Mi, encore vert pour ses 80 ans (demande à la Jeannette), le curé Pancul, confesseur de la famille de père en fils, qui aime tellement les enfants, … Familles innombrables, dans lesquelles on renonce vite à savoir exactement qui est qui, avec des figures admirables, légendaires, enviées ou détestées de tous, d’autres ridicules, d’autres dont il vaut mieux ne pas parler, d’autres auxquelles il vaut mieux ne pas parler, d’autres dont personne ne sait qui elles sont exactement mais qu’il faut bien saluer et laisser s’approcher du buffet, puisqu’elles sont là, … et il y a de fortes présomptions que tous ces gens qu’on découvre à cette occasion – ça peut être aussi un enterrement – ont existé avant et vont continuer d’exister après la cérémonie, retourner aux diverses lenteurs de leurs vies après l’accélération de la fête, et le sang qui les irrigue charrie des gènes qui sont aussi dans le tien …

On tire une racine, et on voit surgir un arbre généalogique.

En-dessous de l’histoire événementielle de chacun, relativement brève et rapide par rapport à l’Histoire, il y a, comme une rivière souterraine, l’histoire naturelle des enfantements, de la formation de nouvelles générations, de la transmission – presque totalement involontaire – de dispositions, qualités et défauts, et de la transmission – à peine plus consciente – des règles, des idéaux, des croyances et des savoirs. Un intérêt majeur de certains livres – de Sterne, Balzac, Flaubert, Maupassant, Zola, Dostoïevski, Anatole France, Proust, Céline, Queneau, par exemple – est de rendre perceptible – et intéressante – cette immense lenteur, qui n’a a priori pas grand-chose de romanesque. Il paraît qu’au XIXème siècle au moins les lecteurs de romans étaient avant tout des lectrices, et que les femmes de la haute bourgeoisie n’aient pas eu à travailler n’est sans doute pas étranger à ce fait statistique, mais les femmes en général, même quand leur esprit est logé ailleurs que dans leur cerveau, sont de par leur constitution biologique plus facilement au diapason de cet ordre de réalité. En formule : les hommes préfèrent Les trois mousquetaires et Sherlock Holmes (toutes mes excuses aux exceptions que je connais, ainsi qu’à celles que je ne connais pas ! ), les femmes La recherche du temps perdu dans les bottes de foin de Guermantes ou du salon Verdurin.

Un singe en hiverLe feu follet. Le bonheur est lent. Le bonheur est emmerdant. La jouissance va vite. La jouissance vient d’aller vite, et plus vite encore, hors limites. Quitte à aller, quelquefois, dans le décor, où l’on retrouve une lenteur sans bonheur. Le principe de plaisir est un principe d’accélération, mais on ne peut pas s’installer dans l’extase de la vitesse : il faut, après un temps qu’on a toujours tendance à trouver trop court, redescendre, décélérer, s’arrêter. Jusqu’à la prochaine ascension, la prochaine tempête, la prochaine fête.

La problématique du libertinage est une problématique de la vitesse. Du droit à la vitesse. Du droit absolu à une accélération quasi absolue de l’accès au plaisir : on veut pouvoir supprimer tous les ralentisseurs de la morale, de la religion, de la jalousie, de la pudeur, de la compassion. Et cela sans avoir à payer ! Alors Don Juan, pour atteindre le chiffre des mille et trois, multiplie les fausses promesses et les serments trahis, s’exposant à des retours de Commandeurs en colère, et Casanova ou certains de ses émules plus proches de nous se font rouler dans le lubrifiant de la fausse tendresse par des professionnelles bien plus cyniques qu’eux.

« Mes pensées sont mes putains », écrivait Diderot. Et je pourrais le dire à mon tour, bien que ma connaissance des putains soit presque totalement abstraite : avec mes pensées, je vais au but aussi vite qu’il est possible, je n’ai pas à feindre d’autres motivations ni de vouloir passer ma vie avec elles, et comme je vérifie que personne ne les a encore approchées, je n’ai même pas à mettre de préservatif.

Il arrive qu’on n’y arrive pas : à aller au bout d’une pensée comme à aller au bout de l’amour. Mais dans les cas contraires … il y a des orgasmes de l’intellect comme il y a des orgasmes du sexe (les uns allant rarement avec les autres, ou les autres avec les uns ; mais nos capacités d’auto-tromperie sont telles que ceux qui ont un petit intellect n’ont a priori pas moins de chance d’y parvenir que ceux qui sont pauvrement membrés).

On « fait » une pensée comme on fait l’amour. Il ne suffit pas d’avoir une idée. Ou plutôt : on n’a pas « eu » une idée tant qu’on ne l’a pas contemplée, caressée, déshabillée, embrasée, léchée, tournée et retournée, pénétrée. Tout cela en chantant, écrivant, dessinant, peignant, musiquant …

Il y a un fascisme de la vitesse. Le Fascisme, au sens précis du mot, est une exaltation manichéenne de la technique et de la vitesse. Dans son discours violemment anti-intellectuel et anti-progressiste, le Nazisme semble obéir à un manichéisme inverse, mais en réalité il a joué sur les deux tableaux, Heidegger et les autoroutes, deux crétinismes tuent mieux qu’un seul. Le simplisme Communiste est plus proche du simplisme mussolinien, et il a lui-aussi liquidé impitoyablement tous ceux qui refusaient d’aller au rythme imposé par la Révolution en marche.