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AVIS !

à, des amis de la curiosité, la population :

une nouvelle revue est née,

à vous destinée !

elle est intitulée Nouvelles hybrides, commence de manière suspecte par le numéro 1, et voici ce qu’en dit le célèbre critique Alphonse Al, dans son style névrotiquement enthousiaste bien connu :

«    Il se trouve encore des gens pour trouver qu’il n’y a pas assez de revues et en lancer une nouvelle. Disons tout de suite à la décharge de ceux-ci qu’ils n’annoncent que 2 numéros par an (mais qui nous garantit qu’ils n’augmenteront pas le débit, s’ils ont du succès?). Le titre, Nouvelles hybrides, est un calembour bien gros (mais ils nous ont épargné Nouveaux Zèbrides), quoique assez poétique, et les auteurs, qui portent des noms aussi vraisemblables que Geffrey O Valle, Phari Goole, Arne Saknüssemm, Pascal Varejka ou même etienne cornevin, la définissent comme une

« (liv)revue d’(h)art incontemporain » :

comme les revues sont trop éphémères,

et que l’on ne sait plus du tout ce que doit désigner le mot « art »

sinon que lorsque c’est « contemporain », ce n’en est souvent plus trop,

ces néologismes ont peut-être vraiment une raison d’être.

En tant que livre, un peu mince, mais il y a un dos, bon, ce qui est une non moins bonne incitation à le ranger dans sa bibliothèque avec des espérances de relecture, même. On ne sait pas trop s’il y a 68 ou 72 pages, car la pagination, uniquement impaire, commence implicitement à la première de couverture. Le format, en toute modestie sans doute, reprend celui de Bizarre, cette revue si incroyablement riche en dessins, textes ou études surintéressants que Jean-Jacques Pauvert éditait dans les années 50 et 60, et le contenu l’est assez, bizarre, quoique dans un genre moins brut, plus théoricien, moins drôle : il y a dans les intérieurs de couverture des pages de publicité de journaux humoristiques de la Belle Époque, très utiles ; il y a une sorte de manifeste – déclaration d’intentions, d’esprit « Abolissez tous les ghettos ! », vaste programme ; il y a, longuement, les «Inactes» d’une journée d’étude sur les «livres monstres», c’est-à-dire les actes allégés de leur part oubliable d’un colloque auquel ont participé François Righi, Julie Arnoux, Jean Dupuy, Jean-Claude Moineau, Etienne Cornevin, Vincent Puente et Guillaume Dégé et au cours duquel la langue de plomb universitaire semble n’avoir pas trop bavé; il y a de longues «critiques», qui sont plutôt des réflexions libres à partir d’expositions, comme p.e. celle de Picabia au MAM ou celle de Magritte au Jeu de paume, ou de livres, comme une nouvelle traduction des Satires de Juvénal, une réédition des Sept chrysalides de l’extase, du mystérieux Vicomte Phoebus, Retoqué de Saint-Réac, ou le très improbable Art de ne croire en rien de Geoffroy Vallée (1550-1574); il y a enfin un «point de vue de l’éléphantologue», signé Pascal Varejka, qui introduit tout bonnement une nouvelle science, d’une légèreté proportionnelle à la lourdeur des sympathiques proboscidiens et d’autant plus certainement humaine, donc indispensable dans le contexte historique de disparition de l’humanité où nous sommes plongés, que son objet, comme chacun sait, trompe énormément. Le tout est accompagné de nombreuses et poétiques images plutôt énigmatiques, qui sont des emblèmes du XVIème siècle, des rébus du XIXème ou des cartes postales du XXème readymadisés sans trop de complexes apparents. Last beute, note Lizst : il y a beaucoup de couleurs, un peu partout, assez pour qu’on oublie que la plupart des textes portent la tenue de soirée exigée par ceux qui persistent à croire que les livres comme les revues sont avant tout faits pour être lus. Cela fait un ensemble de caractères extérieurs plutôt sympathiques et intéressants, et certains, qui sont allés jusqu’à lire ce qu’il y a à l’intérieur, disent même que c’est encore bien mieux que ça .