ΜεταΦορα désigne en grec moderne une brouette. Une métaphore est ce qui accompagne des transports (on comprend pourquoi l’amour en inspire tant). ΑμΦορα, une amphore est un récipient qu’on peut transporter à deux mains. ΚεΦαλε, la tête, est un récipient qu’on peut prendre dans ses mains, et qui, comme une amphore, peut être plus ou moins plein ou moins ou plus vide. ΚεΦαλοποδοσ, l’hyperpalpante et poulpeuse pieuvre, est un animal qui trouve plus élégant de porter sa céphale amphore directement avec ses jambes (qui permettent aux céphalopodopèdes de compter sans effort jusqu’à huit). Les céphalopodes (sur le marché aux octopus on trouve aussi des calmars, des seiches ou des nautiles, qui racontent calvinesquement, à qui veut les entendre, le monde un peu moins loin de son origine) sont des céphalophores, puisque ils portent leur tête, mais tous les céphalophores ne sont pas des céphalopodes. Le i, par exemple, porte fièrement (et sans faire usage de mains que d’ailleurs il n’a pas) sa tête légèrement au-dessus de son tronc. Saint-Denis, moins concentré malgré (ou à cause de) sa sainteté (et malgré la présence d’un i dans son nom), porte la sienne à deux mains, d’un air d’en avoir gros sur la patate d’avoir une si grosse patate. Les céphalophores fatigués que sont les mélancoliques portent d’une seule main leur tête inclinée (sur la droite ou sur la gauche selon qu’il s’agit de dextro- ou de lévocéphalophores) de manière à faire croire – en jouant subtilement sur la crédibilité paradoxale de ce qu’on fait sans conviction – qu’elle n’est pas encore détachée, qu’ils maîtrisent la situation : ils parviennent à tromper les autres, quelquefois, mais rarement eux-mêmes. Le céphalophore entêté trouve plus amusant de lancer sa boule aussi loin qu’il peut pour voir jusqu’où elle peut aller, et s’il sait la faire revenir.