Il n’est pas très étonnant que Rudo Fila, qui, dès le début des années 60, à 30 ans, avait repris à son compte l’étrange ambition de PicassoKlee ou Arp de peindre aussi librement qu’un enfant, ait eu envie d’interpréter un syllabaire illustré : quel meilleur prétexte à exercer sa liberté retrouvée qu’un livre destiné à l’apprentissage de la lecture par les enfants ? (D’autant que c’est peut-être le même que celui avec lequel il a appris à lire). Injecter de l’enfance retrouvée dans de l’enfance perdue.

   Et avec des aquarelles jaunenoir, blanc – exceptionnellement rouge et vert -, il a réussi à métamorphoser cette invitation vieillotte à une nostalgie elle-même vieillotte en une fête permanente, formidablement dansante, fantasque, joyeuse et variée.

la danse de l’a

une autre danse de l’a, en B

j’fais des ronds, des p’tits ronds, encore des p’tits ronds

du temps où les anges venaient de la lune

on ne leur a pas appris la connerie de la guerre

de l’alpha à l’infini, de l’infini à l’alpha,

il y a de quoi devenir idiot

les oiseaux-ombres ont droit au soleil aussi

club des héliotropes excentriques

écrire d’une main, fouetter de l’autre

les temps modernes sont partout

résistants au vent

source sur source

maisons revues par Malévitch

jouer du fusil, tirer à la cornemuse

le jaune vaincra

du four au tonneau

et la vie continue

signé sans hâture