Les pensées penchées de Xavier Bureau (alias Burlingue, Agent XB 000 8 1/2, Grognard Burli, Moby, …) publiées récemment sur le site de Nouvelles hybrides (http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3120 et http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3123) nous ont valu un nombreux courrielier, enthousiaste et reconnaissant. Sans attendre de telles approbations, nous avions demandé à cet artiste, plus connu comme dessinateur humoriste (dont vous trouverez d’ici très peu une petite exposition électronique à la rubrique Expositions) que comme aphoriste, s’il avait d’autres « petites phrases » de la même eau, et la réponse, abondante, ne s’était pas fait attendre. À nouveau il nous a semblé que, s’il y avait ça et là quelques facilités, la plupart avaient les qualités d’inattendu, d’opposition aux lieux communs et de justesse qui font le prix de ce genre de para-littérature, et nous lui avons proposé, en attendant de faire un livre, d’en mettre encore un choix sur le site. Comme, entre autres qualités, Burlingue a celle d’être extrêmement (exagérément) critique vis-à-vis de ce qu’il écrit, il nous a fallu pour obtenir son accord recourir à l’argument massue de la nécessité vitale pour certain(e)s de nos lecteur(ice)s (merci Lisa, merci Jean-Yves) de ses drôles de pensées à la fois sérieuses et pas sérieuses. Finalement, il nous a donné son feu vert, mais si vous aussi vous aimez ce genre de nourriture et en voulez encore plus, prenez le temps de manifester votre plaisir ou votre enthousiasme (en général, d’ailleurs, nous aimerions bien être reconnus d’utilité publique par nos lecteurs, et en tout cas nous ne détestons pas qu’on nous manifeste approbation et reconnaissance pour ce que nous publions sur ce site ou dans la revue Nouvelles Hybrides …)
Mon idéal littéraire. J’aimerais qu’Edgar Morin écrive comme Jules Renard, que Marx écrive comme Victor Hugo, ou que Schopenhauer écrive comme Alphonse Allais.
Mosner : le pur graphisme, infantile, novateur et sans inhibition.
On n’a d’idéal que si l’on est au purgatoire. On n’a de nostalgie que si l’on a quitté le paradis.
Les Histoires naturelles de Jules Renard, c’est du Steinberg.
La vitre de la réalité rayée par le diamant de ma critique.
A l’ère préhistorique du capitalisme, l’idée de Bien semble tout au plus une amusante utopie pour bobos, un dada pour oisifs, une marotte de rêveurs, une originalité d’artistes, une fantaisie dénuée de sérieux.
Le génie de Steinberg arrive sur des pattes de colombe.
Le jour où l’idée de ligne droite vint à l’esprit d’une courbe, elle se mit à rire. Ca lui parut le comble de la loufoquerie. Le jour où l’idée de volume vint à l’esprit d’une surface plane, l’avenir lui parut grandiose.
Charabia typique de l’époque : « Les derniers travaux d’ Huguette Chavette s’organisent autour de la perception du réel ». Vive l’organisation ! (Ceux qui n’ont rien à dire n’ont aucune raison de s’exprimer clairement)
« Est-ce que c’est quelqu’un qui a fait ça ? » demande un petit garçon à son papa, à Drouot, devant une sculpture antique. Bonne question que j’ai tout de suite comprise tellement on a l’impression que cette sculpture n’a été faite par personne.
Sur les routes insolites du bon sens – Le bon sens échappe sans cesse à ceux qui l’invoquent sans cesse. Car le vrai bon sens ne manquerait pas de les entraîner sur les routes les plus insolites.
Il n’est jamais arrivé que le consensus commun prenne la route du bon sens, ça se saurait.
On devrait être malheureux d’un succès immérité.
Mes lieux communs à moi sont endroits où personne ne va.
Une vie, c’est le temps de se prendre pour quelqu’un (et de se couvrir de ridicule aux yeux de l’invisible).
Il n’y a de « Traité des bonnes manières » que chez les barbares. Les bonnes manières sont innées et ne s’apprennent pas.
Il y a des « critiques d’art ». Un philosophe est un « critique de réalité ».
« La preuve irréfutable qu’il existe une vie intelligente sur une autre planète, c’est qu’ils n’ont jamais cherché à nous contacter » Bill Waterson
La réalité bue au goulot par quelqu’un qui n’avait pas soif (titre)
Ce n’est pas parce qu’un phénomène est incompréhensible qu’il est pour autant mystérieux.
Analyser pourquoi tant d’artistes contemporains sont les sincères victimes d’une auto mystification.
(Fortement impressionné par l’exposition sur la Commune de Paris, à l’Hôtel de Ville)
Qui auriez-vous aimé avoir comme ami, Mr. Thiers ou Louise Michel ?
Jamais la droite n’aurait dû se relever du scandaleux massacre des communards de mai 1871. Ce fut le triomphe du bourgeois médiocre, persuadé de la supériorité de sa médiocrité, de l’ignoble français moyen, cet ennemi juré de l’esprit français. Les communards acculés répliquèrent en mettant le feu aux principaux monuments de Paris. Ils eurent tort, mais que faire quand on est acculé par les loups ? On voit trop bien de nos jours qui serait communard, qui serait versaillais. Je suis sorti de cette exposition plus révolté que jamais par la bêtise humaine. Sur le cahier de l’exposition de l’Hôtel de Ville, j’ai écrit en grosses lettres : « Les versaillais sont toujours au pouvoir ».
Portraits photos de quelques communards : belles et nobles têtes d’intellectuels, d’aristocrates de la pensée. Quelques femmes du peuple, intelligentes et courageuses, qui respirent l’empathie et inspirent la sympathie, la plupart condamnées au bagne et aux travaux forcés, quand elles ne sont pas condamnées à mort. Photos prises par l’indécrottable bonne conscience des tortionnaires.
La pente fatale de l’instinct sexuel est de toujours glisser sur la peau de banane d’un tendre et durable attachement.
Il y a davantage de miraculeux dans le quotidien que dans tous les événements les plus exceptionnels.
Reportage télévisé sur une tribu sauvage. Des enfants s’attachent aux pieds des lianes tressées reliées à un promontoire très élevé fabriqué par la tribu. Ils se jettent d’en haut et la longueur de la liane est telle qu’ils arrivent à ras de terre, au risque de s’ouvrir le crâne ou de se casser jambes ou côtes. Ce qui a le don de m’exaspérer, c’est la complaisance et le respect frileux du commentaire occidental. Il n’est pas question de s’indigner ou même de seulement dire que ce qu’ils font là est complètement IDIOT. Même respect des coutumes chez tous les abrutis de la planète.
Je pèse mes mots avant qu’ils ne s’envolent.
Le cinéma muet est plus proche de la vraie nature du cinéma (que l’est le cinéma parlant et en couleurs), pour les mêmes raisons que le dessin est plus proche de la réflexion artistique que la peinture. Le cinéma muet est la probité de l’art.
Un dessin de Steinberg est moins une allusion à ce que sont platement les choses qu’une allusion à l’esprit dans lequel elles ont été conçues.
Réfléchir c’est frotter les verres de lunette de ma vision des choses.
Ancien palais du roi, pour la personne duquel je n’aurais eu aucun respect, le Louvre abrite à présent une chose enfin digne de respect : la peinture.
Les hommes venant de Mars, les femmes de Vénus, ils se rencontrent quelque part dans l’espace, en planant.
Vous voulez étudier l’ingéniosité au cœur de ses ateliers ? Avec presque rien et une surprenante ingéniosité, chacun bricole sa bonne conscience. Solide, faite pour résister aux pires chocs. (Je ne connaissais pas ça quand j’étais jeune. Je vivais dans une mauvaise conscience perpétuelle – par ex., je me rongeais parce que j’avais volé 5 centimes, sans le vouloir, à un marchand de journaux – Puis je me suis mis à faire comme tout le monde.)
Martyre de Sainte Agnès, jugement de Salomon, Orphée et Euridice : chez les anciens le sujet est au service du dessin. Les thèmes les plus divers sont prétextes aux virtuosités d’une seule et unique façon de dessiner. La révolution des modernes fut de mettre le dessin au service du sujet. L’esprit moderne invente l’impressionnisme pour exalter les subtilités de la nature, l’expressionnisme pour montrer la puissance des caractères, toutes sortes de mimétismes (Picasso, Steinberg), pour mettre en évidence la spécificité des êtres et des objets. (Histoire générale de l’art, extrait)
Le karma négatif fait de notre existence une sorte de prison pour dettes.
Vif comme un diable ignifugé en enfer.
Penser et dessiner sans préjugés : une des choses les plus difficiles au monde. C’est le fruit d’un exercice incessant. Quand on y arrive.
Je n’ai pas plus confiance en l’avenir que je n’aurais eu de raisons d’avoir confiance dans le passé.
Un être cher qui disparaît, c’est une dent qu’on m’arrache. La langue de mes pensées ne cesse de lécher le vide laissé.
Date : 5 avril 2011Il se rongeait parce qu’il avait volé 5 centimes à un marchand de journaux – et sans le vouloir encore – quel pauvre type !
Moi aussi j’ai vu l’exposition sur la Commune de Paris. Je n’en profite pas pour dire que le français moyen est « ignoble » (sic). Qu’est-ce que ça veut dire? C’est un nouveau racisme ?
La vitre de la réalité est rayée par « le diamant de sa critique » ! Mais pour qui se prend-il?
Qui est Mosner?
Plutôt que marqué comme « aphorismes », j’aurais mis ce fatras dans la rubrique « Quelconqueries ».
Les Nouvelles hybrides m’avaient habitué à mieux.
Un lecteur sympathisant, attentif et impartial
Date : 5 avril 2011si vous êtes du Sud nous allons lire vos remarques avé l’assan, bonne mère !
– vous vous gaussez de l’aveu par Monsieur Burlingue âgé de ses scrupules lorsqu’il était enfant : la nature vous a peut-être donné dès votre plus jeune âge une conscience extrêmement souple, mais tout le monde n’a pas cette chance. En outre, ses réflexions relatives à la Commune et aux communards montrent bien que sa raideur morale initiale a persisté, et cela fait de lui un anachronisme vivant qui, plutôt que vos ricanements, devrait susciter votre étonnement et votre compassion
– vous ne connaissez pas le sens de l’expression : « Le français moyen est ignoble » ? C’est pourtant bien simple : Les Français sont réputés pour leur art de boire, ils ont le vignoble dans le sang. Mais certains Français – qu’il est peut-être un peu excessif de qualifier de « moyens » – préfèrent boire le sang de leurs compatriotes, et c’est pourquoi il est tout à fait légitime de dire « Le Français moyen est ignoble », en sous entendant « Le Français est vignoble, mais »
– il doit se prendre pour un cambrioleur, faisant référence sans doute à une impression à laquelle nous sommes tous sujets : nous n’avons pas directement accès à la réalité, c’est seulement par la critique, en nous opposant aux idées des autres ou à nos idées premières, que nous entrons dans les questions auxquelles nous réfléchissons, il y a des écrans entre nous et les choses, écrans qui n’apparaissent que lorsqu’on s’en approche, ce qui justifie pleinement la métaphore de la vitre
– Qui est Mosner ? – le célèbre conducteur de Zeppelins, bien sûr, celui qu’on surnommait « l’homme au cigare volant », l’escroc qui se faisait passer pour l’inventeur de la psychanalyse des hauteurs, et faisait payer très cher à de très riches bourgeoises des séances de zeppelinothérapie grâce auxquelles elles confondaient définitivement les états d’âme sublimes qui leurs étaient ordinaires avec des sentiments extatiques plus … moins élevés. Même sa réputation d’artiste était usurpée : toutes ses idées de dessins venaient de ses patientes, contenu comme facture, lui-même n’avait aucune imagination, mais était un très habile imitateur : on comprend que même le perspicace Burlingue ait pu se laisser tromper
– le mot « aphorisme » désigne des expressions brèves, concentrées, réduites à l’essentiel : comme nous retenons plutôt ceux qui traduisent et permettent une intelligence en éclair de la réalité, nous avons tendance à attendre beaucoup de telles expressions, et nous croyons que les aphorismes de Burlingue retenus par le comité de lecture de La Berlu (tout entier tombé sous le charme, aussi bien Emmanuelle Elleuname que Ladislav Hapr, Hannibal Leichtpflucht qu’Odile Krok, Adman Adam qu’Hermann Krankwein, ..) sont à la hauteur d’une telle attente, mais si un de nos lecteurs pense que nous nous sommes trompés, libre à lui de les ranger dans la rubrique « quelconqueries » (rappelons toutefois que ce mot a lui aussi ses lettres de noblesse : le fameux « quelconquerie, la Guerre », de Jacques Prévert, est dans toutes les mémoires)
voici, cher monsieur A., de B.,
ce que Burlingue lui-même,
s’il n’était pas si modeste,
aurait pu vous répondre,
croyons-nous
bien cordialement
l’équipage de la Berlu
Date : 5 avril 2011Cher Monsieur,
Merci de vos éclaircissements circonstanciés.
Puisque vous êtes si ami avec l’auteur
pouvez-vous lui demander d’essayer de faire mieux la prochaine fois ?
Bien à vous
le sourcilleux des hybrides
Date : 5 avril 2011il est assez imprévisible
Le collègue de bureau