(Éditions du Daily-Bul, Mars 1990 – 1043 exemplaires)

 

   Il s’agit d’un recueil – alphabétiquement ordonné – de textes d’allure descriptive – plutôt courts quoique ne méprisant pas l’extrême brièveté (L’huître : caillou à l’âme bien trempée) – relatifs à des animaux pour la plupart familiers à quiconque a passé du temps à la campagne (abeille, cochon, coq, escargot, guêpe, hérisson, lombric, merle, mille-pattes, mouche, moustique, papillon, poulain, poule, puce, taupe, vache)ou à table (bigorneau, crevette, écrevisse, huître, moule), et pour le reste peu communs – en dehors des zoos et autres aquariums – dans la vieille Europe (autruche, éléphant, lion, requin, singe, zèbre). Ces descriptions ne respectent les impératifs du zoologiquement correct qu’avec modération : par leur absence de systématisme, d’une part – faire voisiner abeille et bigorneau, éléphant et escargot, requin et taupe, quelle hérésie pour Buffon ou pour ses collègues classificateurs d’espèces ! -, par leur analogisme incongru d’autre part (L’autruche : Asperge debout, sur un édredon qui sautille), et leur en prise en compte fréquente des destinées … gustatives de l’animal (La vache : Dans cette grosse bête, il y a de la bavette et de la culotte). Mais ce qui est zoologiquement incorrect est peut-être, de ce fait même, poétiquement et humoristiquement impeccable.

 

À vous d’en juger,

par ces quelques bons bouts

des buffonneries de Balthazar,

au hasard.

 

 

L’ABEILLE

L’abeille a le corsage de son miel

 

LE POULAIN

Son regard est ourlé de cils et de rêves encore frisés

Son pet est déjà rond, mais n’a pas cette sonorité soyeuse qui n’appartient qu’au cheval sans manières.

 

LE PAPILLON

Le temps d’un long chapelet, le papillon battra des ailes, abandonnera à l’obstacle (trop transparent pour être digéré) ses rêves et son éclat.

Sottise haletante. Bientôt poussière.

 

LE LION

Dans sa crinière de tournesol, il pense au vide, dont il est plein.

 

LA TAUPE

Elle porte la nuit dans ses pattes de chauve-souris.

 

L’ÉPINOCHE

Là, sous ces saules,dans ces bacs, vivait visible – éclair de vif argent dans un rayon de soleil –l’épinoche.

 

LE ZÈBRE

Drôle de coco que sa vitesse grise, mêlant les raies de ses fesses (si rondes) à l’ivresse d’un œil qui ne peut le suivre.

 

LA GUÊPE

Le mot guêpière lui va comme un gant, comme le doigt d’un gant.

 

L’ÉCREVISSE

Un nom d’outil, avec pinces, tenailles et accessoires.

Trop vive pour un crustacé, elle rattrape son impatience par une marche à reculons ; toujours sur la défensive face au temps qui vient, prête à saisir le vide s’il y a lieu.

 

LE COCHON

Il porte bien la patte et le jarret, liés sans jointure, pour l’épanouissement d’un jambon aux géométries redondantes.

Granit de saindoux et veine de charbon rose.

 

L’ÉLÉPHANT

Sa courte queue souvent figée, peut-être trop proche des foires énormes qui l’éclaboussent avant de s’étaler dans la savane comme des soleils sur des horizons bas, bringuebale des croûtes et des scories. Asperge préhistorique. Elle pourrait aussi (la courte queue) ressembler à l’aiguille des heures, du temps – celui qui n’a pas d’âge et qui remonte à la nuit – sur un cadran de fesses, parmi les hautes herbes.