Red Akchef : comme vous avez déjà eu l’occasion de le constater si vous regardez régulièrement le site de Nouvelles Hybrides, Burlingue ne se contente pas de deschiner, il pensche aussi, et écrit ses penschées dans un journal électronique, dont de temps à autre, connaissant notre grande indulgence pour ses élucubrations, il nous envoie quelques pages. Or, il arrive  que ces penschées en suscitent  d’autres, chez les olibrii embarqués à bord de la Berlu, et il nous a semblé intéressant de publier ces autres avec les unes qui leur ont servi de catalyseur.

 

Nouvelles de la surface terrestre

Les oiseaux chantent.

Les hommes déchantent.

Et les hommes chantent, et les oiseaux déchantent aussi ; et les femmes font chanter et déchanter les hommes ; et les hommes font chanter et déchanter les femmes ; et les hommes qu’on fait chanter déchantent, et ceux qu’on fait déchanter ne chantent pas plus ; et les femmes croient souvent que leur seule présence devrait suffire à ré-enchanter la vie, fillettes fillettes ce qu’elles se gourent ; et il y a des gens qui ne chantent, faux, que quand les autres déchantent, ce qui fait pleurer les coccinelles ; et il y a des enchanteurs ratés qui promettent des lendemains qui chantent, et font passer définitivement l’envie de chanter à ceux qui refusent de se laisse enchanter dès aujourd’hui ; et il y a de vrais enchanteurs qui inventent des enchantements pour tous et pour maintenant, sans promesse, mais les enchantés sont des ingrats pressés de retrouver leur désenchantement habituel ; et le matin certains hommes déchantent parce que les oiseaux chantent ; …

La création se tient sur les bords de Dieu (phrase recueillie à mon réveil, 4/4/11)

Alors il faudrait dire que Dieu se promène souvent sur ses bords, comme Jean-Luc Bideau dans un film de Tanner dit sur un ton menaçant : « Et souvenez-vous, j’arpente dans le secteur ! ». Mais il est sans doute préférable de se tenir au bord de ce genre de pensée.

Le juste milieu se sent trahi par les extrêmes, sans lesquels pourtant il n’existerait pas.

Le juste milieu se sent trahi par les extrêmes, de même que le Français moyen se sent trahi par toute opinion originale.

Il y a ceux qui sont au milieu sans avoir été tentés par les extrêmes : la position centrale leur est un fauteuil confortable. Et il y a ceux, beaucoup plus rares, qui se retrouvent au milieu par dégoût des extrêmes auxquels ils ont d’abord adhéré : la princesse fauteuil s’est transformée en ce crapaud très inconfortable connu populairement comme la position du cul entre deux chaises. Et comme bien mal assis ne profite jamais, les partisans du juste milieu au carré sont plutôt à plaindre.

Je me souviens de ma mère se plaignant de l’incongruité de ses rêves, indigne d’une dame convenable et raisonnable. La loufoquerie réclame son dû jusque dans les vies les plus rangées.

La mienne, qui a gardé une excellente mémoire jusqu’à ses derniers jours, s’étonnait d’oublier immédiatement  les rêves très compliqués qui occupaient ses avant-dernières nuits.

Surfez sur le NET, vous obtiendrez du FLOU.

Et si l’on surfait sur le FLOU … c’est ce que font les « vrais » surfeurs, somme toute, et ce n’est peut-être pas si net qu’une vague fractale dessinée par Hokusaï, mais pas si flou non plus.

BHL, immense artiste, qui a reculé les limites de l’art – pourtant millénaire – de parler pour ne rien dire.

Ce n’est pas tant qu’il parle pour ne rien dire, ni qu’il ait toujours tort (j’ai dû reconnaître déjà deux ou trois fois que j’étais d’accord avec lui sur certaines questions politiques), ni son personnage de romantique médiatique avec ses éternelles chemises blanches (ou bien c’est toujours la même ?), ni son ignorance de Botul, ni son sérieux phénoménal, ni sa prodigieuse immodestie, mais son inaptitude radicale à sortir du domaine des opinions et à dire quoi que ce soit qui nous importe personnellement (et puis – cela va ensemble – une telle absence de sens poétique … et il a osé écrire un livre sur Baudelaire !)

« En cas de tempête, le jardin sera fermé »

« En cas de jardin, la tempête sera cultivée » Candide

(De combien n’a-t-on pas envie de dire) : son instruction lui a permis de développer sa bêtise.

Et quelquefois même : il lui fallait une dose de bêtise très supérieure à la moyenne pour atteindre de tels résultats.

Je veux absolument croire qu’il existe une raison qui n’a rien à voir avec la science pour que le soleil  brille et que les fleurs sentent bon. Elles sont jolies, elles sentent bon : impossible de ne pas croire à une bienveillance de la nature. Aspect des choses qui échappe complètement aux considérations scientifiques. Dire que l’odeur des fleurs est l’expression de leur souffrance, comme je l’ai lu, ne peut être qu’une vision partisane.

Mèzalor, mèzalor, les fleurs qui ne sentent pas bon, les champignons malodorants, les putois, les renards,  Louis XIV … ce serait le Diable ?

Le crabe est une araignée qui se prend pour un château  fort.

Si au Moyen Âge les châteaux forts s’étaient pris pour des crabes, la guerre de mille ans aurait été plus amusante.

La vie humaine est trop précieuse pour être vécue dans un endroit aussi peu sûr et mal famé. Je demande à changer de planète.

Il y a eu un type, un dénommé Midas, je crois, qui avait fait un vœu de ce genre, et il n’osait même pas s’en mordre les doigts.

Des milliards de cellules dans un corps.

Des milliards de détails dans une vie.

Des milliards de cellules vivant dans chaque détail.

En dessin, il est presque impossible de prendre pleinement conscience de la puissance du trait.

De même qu’il est presque impossible de prendre pleinement conscience de la puissance de l’esprit. La puissance de l’esprit nous dépasse de partout et l’on s’en sert comme des bébés jouant avec des boutons électriques.

Cette réflexion me semble très juste, mais j’avoue avoir un peu de mal à prendre pleinement conscience de sa puissance.

« Un homme qui n’est plus capable de s’émerveiller a pratiquement cessé de vivre » Einstein

mais que dire de ceux qui ne s’émerveillent que d’un seul type de merveille ? et de ceux qui s’émerveillent de ce qui est méprisable ?

Ovnis anciens

Ovnis modernes

L’ami Burlingue se fera un plaisir de nous dessiner ça : un OVNI rococo, un OVNI de l’âge de la pierre taillée, un OVNI à la romaine, …

Jean, son assujettissement trop servile au sujet le prive de créativité. Fadasse, brouillasseux, ne sachant pas s’affirmer, n’ayant pas grand- chose à affirmer, glissant des friselis impressionnistes là où il n’en fallait surtout pas, faible, satellite de Raoul, pâleur lunaire subséquente, une peinture pour vitrines de magasins de meubles.

Raoul stylise naturellement tout ce qu’il voit, sa créativité prend racine en plein dans le sujet, stylisation hardie, drôle, intelligente, qui, plutôt que de l’entraîner vers un art décoratif l’entraîne vers la vie (ses mers pleines de friselis, de naïades et de bateaux idéogrammés frémissent d’une vraie vibration de grand large), sens très sûr de l’allusion nécessaire et dufysante, sachant s’affirmer, ayant beaucoup à affirmer, mélange d’élégance, de désinvolture, de « bonheur d’expression »…

Raoul a du génie, Jean n’en a pas.

Il est dit qu’ils se brouillent parce que, Jean ayant aidé Raoul à l’élaboration des 600 m2 de la fée Électricité en rassemblant de la doc, Raoul omet de citer son frère dans les remerciements. Je n’en crois rien. Ils se brouillent, selon moi, parce que Jean PLAGIE par trop Raoul, et sans esprit.

J’ai toujours été irrité par la facilité de Dufy (ce qui signifie, je suppose, que je veux que les artistes en bavent, au moins un peu …), et je ne pense pas réussir un jour à l’aimer beaucoup, mais je dois reconnaître qu’il avait une qualité très rare chez les peintres : de l’esprit. Le Sacha Guitry de la peinture ?

Odilon Redon, un impressionniste de l’ailleurs, du nulle part.

Sa période dite noire est une chrysalide d’où sort le papillon de la période colorée (pleine de papillons).

Il disait des impressionnistes qu’ils étaient un peu « bas de plafond ».

Ceux qui décident que Dieu n’existe pas ont à mes yeux largement autant de culot que ceux qui décident qu’Il existe et lui font dire ce qu’ils veulent.

Qu’une expression d’agnosticisme si basique soit devenue rarissime en dit long sur notre misère poétique et philosophique.

Partout je ne vois qu’originalité masquée (de banalité).

Tout est originalité masqué, mêlé de très peu d’originalités ostensibles.

Quelle drôle de réflexion ! Il me semble plutôt que tout le monde désormais prétend à l’originalité, sans s’apercevoir que 99 % des originalités courantes sont très communes, et par conséquent peu originales … Et les véritables originaux ne sont plus reconnus.

Choc lorsque j’ai pris conscience que j’avais actuellement l’âge qu’avait Cézanne quand il est mort.

Je suis un peu plus jeune, mais je comprends bien cette réaction : quand j’ai eu 20 ans, j’ai pensé qu’à mon âge Rimbaud avait déjà écrit tous ses immenses poèmes, alors que je n’avais encore rien fait ; quand j’ai eu 36 ans, j’ai pensé qu’à mon âge Baudelaire avait publié Les Fleurs du Mal, et que je n’avais toujours rien fait qui tienne devant le plus faible des poèmes de ce recueil ; récemment, en visitant l’exposition Redon, je me suis demandé ce que j’avais fait à 39 ans = à l’âge où il a publié Dans le rêve, son premier cycle de lithographies fantastiques, et ma première réponse a été RIEN. Quand je regarde et relis ce que j’ai déjà publié, je trouve que c’est en général plutôt bien et assez souvent très bien (pour l’U.E. de fausse modestie, c’est mal barré), mais mon sentiment primitif, qui revient toujours est : je n’ai encore rien fait (Comme je m’efforce de toujours repartir à zéro, il vaut sans doute mieux que j’aie tendance à me déprécier ainsi).

Dubuffet se voulait hors les normes culturelles, mais voilà que les normes culturelles, cet ogre boulimique, l’ont happé et digéré encore plus vite que les autres. L’auteur d’asphyxiante culture est devenu un poncif culturel.

Mais pour un élève de Terminale d’aujourd’hui, il existe aussi peu que ces représentants de l’art culturel contre lesquels il s’est si vigoureusement battu …

Quand on lit les « brèves de comptoir » de J.M. Gourio en enfilade, on a l’impression de n’entendre qu’un unique bonhomme (un peu fruste). La bêtise uniformise. L’intelligence diversifie.

Très curieux également : ma réaction est exactement inverse. Je suis émerveillé par l’inventivité et la diversité de la bêtise, qui franchit quotidiennement le mur de bêtes thons du khon et est extrêmement drôle. Il paraît que Jean-Michel Ribes en a tiré des spectacles à son théâtre du Rond-Point, et ça ne m’étonne pas. Inversement, l’intelligence est à mes yeux la faculté qui réunit et fait ressortir ce que nous avons en commun.