Les cygnes d’étang ne sont guère le reflet de l’époque où nous vivons

Le lynx voit tout d’un bon oeil

Il y a des caméléons assez sensibles pour se laisser impressionner par un arc-en-ciel

à propos du livre de Jean Zéboulon & Zaven  Paré

Bestiaire pour les jours de cafard

magnifiquement édité par Harpo & (Pierre Mréjen)

« L’oisiveté est mère de toutes les écrevisses ». « L’éphémère n’est pas né d’hier ». « Le lynx voit tout d’un bon œil ». « Pour les dingos d’Australie, aucun asile n’est assez sûr ». « Il y a des caméléons assez sensibles pour se laisser impressionner par un arc-en-ciel ». On ouvre à n’importe quelle page, et c’est presque toujours aussi superbement … évident. N’importe quel lecteur se mèbonsancèbiensûrge : comment ai-je pu ne pas y penser ? ! On avait pourtant toutes les cartes en main : on savait par exemple que les bourgeois aiment dire que l’oisiveté est un vilain défaut à ceux qui ne trouvent pas de travail, on savait que les écrevisses sont tellement feignasses qu’elles avancent  à reculons, mais voilà, on doit être né sous le signe de l’écrevisse, parce qu’on a été trop flemmard pour frotter ces deux vérités ensemble et en faire jaillir une troisième encore plus belle (il est vrai, le frottage de vérités dans l’eau donne rarement des résultats). Les nombreux zoologues qui lisent Nouvelles Hybrides bis l’auront compris : ce livre est pour eux ! La science, affamée de détails, perd souvent de vue les rapports essentiels que les innocents plus ou moins ignorants qui passent leur temps à se vautrer dans les non sens du double sens à autre sens aperçoivent  immédiatement  (ils ne voient pas grand-chose d’autre, d’ailleurs). Avant d’être un poète pour les grands et moins grands enfants, Jean Zéboulon (un nom si richement doté de zébu, boisson, bulot, bulle et boulon, ça ne s’invente pas) est un poète buffon et linnéamenteux, qui continue brillamment une inspiration où se sont déjà illustrés André Balthazar (Buffonneries, Daily-Bul, 1990 – Linnéaments, avec des images de Roland Breucker – Daily-Bul, 1997) et, longtemps avant, Grandville et La Fontaine. Si ce préfixe n’avait, ces derniers temps, quelque peu perdu sa traditionnelle légèreté  patatolfièrique, on pourrait nommer sa « science » patazoologie (ou patabotanique : il a publié également, à La table ronde, en 2012, un  Jardin pour les jours de pluie qu’on peut même lire par beau temps).

Les dessins de Zaven Paré, élémentaires, volontairement frustes, gravés sur bois et imprimés en noir sur fond rouge, font un accompagnement parfait aux afaurismes animalypensiers et pour tout dire zéboulonniques  de Jean Zéboulon (d’où, probablement, son nom).

Et Pierre Mréjen, comme d’habitude, a fait avec tout ça un livre magnifique, que tous les bibliophiles caméléons dingos à œil de lynx ascendant écrevisse, conscients de son caractère éphémère, ne manqueront pas d’acheter pendant qu’il est encore temps.