elle est sourde

 

 

Ayant appris qu’Ylipe, l’auteur des aphorismes et des collages élémentaires mais souvent bien drôles du n°de Bizarre intitulé comme cet article, avait été également peintre, sous son « vrai » nom de Labarthe, le rédakchef du Hurlu berlue a eu envie d’y retourner lire et voir, et voici une petite anthologie de ce qu’il y a trouvé :

 

Il vaut mieux un sale temps que pas de temps du tout

Les hommes sans ombre sont plus nombreux qu’on ne le croit

Les pauvres sont heureux,

ils ne pensent qu’à ça

Puisque tout a été dit, autant dire autre chose

Je n’ai pas peur des monstres,

mais des autres

Tout finira bien par avoir une fin

La Suisse est française sur les bords

Je ne peux rien manger à jeun

À force de se battre,

ses bras raccourcissent

 

Corneille me dépeint tel que je devrais être

Racine n’a rien compris

et il y a belle lurette que Molière

ne fait plus rire à mes dépens

 

Le boomerang a doublement droit

à ce qu’on lui foute la paix

 

Le crime parfait

Il lui donna une poussée et elle tomba dans une oubliette.

Emporté par son élan, il y tomba à son tour.

L’oubliette elle-même tomba dans l’oubli par la suite.

historiettes

 

Par égard pour Madame Téta, qui était claustrophobe,

on l’a pendue dehors.

L’homme à la jambe invisible s’est cassée l’autre.

Sébastien Vélo n’est toujours pas rentré

 

[On apprend sur Wikylipédia qu’Ylipe était le nom de plume et crayon du même homme dont le nom de pinceau était Philippe Labarthe. Ces deux personnalités ont partagé le même corps entre le 9 janvier 1936 et le 8 mars 2003 (si l’on veut bien admettre qu’un pseudonyme naît et meurt en même temps que celui qui l’adopte). Philippe Labarthe en tout cas est né à Bordeaux, y a étudié aux Beaux-Arts, puis est monté à Paris où il s’est fait connaître comme humoriste par des gravures détournées et des aphorismes. Collabore à l’Express, à Arts et aux Lettres nouvelles. Il publie en 1961, chez Losfeld, un livre préfacé par Jacques PrévertMagloire de Paris ; en 62, chez Pauvert, Aqua Toffana, pour quoi il reçoit le prix de l’Humour noir ; en 65, Leçons de chose, aux dépens d’un amateur ; en 67, chez Pauvert, un n°spécial de Bizarre, Écrivez plus grand, elle est sourde. Il semble qu’il se consacre dans les deux décennies suivantes à la peinture, signant ses tableaux Labarthe (D’après ce que Jean-Roch Giovachini m’a montré à la galerie Arthème (31 rue de Beaune, 75006), qui expose actuellement les dessins de Vincent Puente, ses tableaux sont dans la lignée surréalisante de Tanguy et Ernst, mais aussi du Michauxdes Meidosems). Certains titres, comme Le secret des édredons ou La demi-lune s’inquiète sont tout-à-fait ylipiens. En 73 et 74, Patrick Waldberg écrit deux livres sur ses eaux-fortes : Un rêve à commettre, au Nouveau cercle parisien du livre, et Adieu à Nelly, Edizioni della Pergola. À partir de 2000, Labarthe est contraint – par une histoire de colonne vertébrale – de cesser de peindre, et Ylipereprend du service, ce qui donnera Textes sans paroles (Le Dilettante, 2001), Le BCD du peintre moderne (La Différence, 2002) et Sexes sans paroles (Le Dilettante, 2003)]