Familia de Felicitas, 1961

Huile sur photographie contrecollée sur bois – 106,5.160 cm –

Historieta, série Pequeña historia, 1963-1964

Lithographie sur papier Arches – 50,2 . 60 cm – Atelier Jean Pons, Paris –

Las escondidas, série « Los Misteriosos » III, 1966

Lithographie en couleurs – 20 . 15,5 cm – Atelier Clot, Bramsen & Georges, Paris –

(NdR : nous vous prions d’excuser le déplacement vers le jaune des couleurs de plusieurs clichés,

dû à une absorption modérément immodérée de Suze et de vin du Jura par notre collaborateur)

Mucha gente, 1966

Huile sur bois découpé – 43,5 .51,5 . 10 cm –

The white landscape, 1967

Huile sur bois découpé – 53 . 48,5 . 31,5 cm

Sans titre, 1973

Fusain sur toile – 195 . 195 cm –

Elefante de la pampa

lithographies en couleurs sur papier Arches – 50 ; 65 cm – Atelier Clot, Bramsen & Georges, Paris –

Esperar sentado, 1984 – 1985

Technique mixte sur toile – 200 . 200 cm –

Cuando te vuelvo a ver, 1985

Huile sur toile – 200 . 200 cm –

Ciudadana, 1990

Ciudadana, 1990

lithographies en couleurs sur papier Arches – 53,8. 75,6 cm – Atelier Clot, Bramsen & Georges, Paris –

La Vida es un teatro, 1991

Eau forte et aquatinte, rehaussée à l’aquarelle sur papier Arches – 111,9 . 165,4 cm – Michel Village, Paris –

Repetición, 1996

Acrylique et fusain sur toile – 185 . 230 cm –

Textura cívica, 2006

Acrylique sur toile – 242,5 . 368,5 cm –

Como un sombrero, 2008

Gravure au carborundum sur papier Japon – 63 . 45,5 cm – Atelier Pasnic, Paris –

Perder la cabeza n°1, 2013

Gravure au carborandum sur papier Japon – 32,7 . 25 cm – Atelier Pasnic, Paris –

Cabecitas locas, 2015 / Chenille, 2006

Gravures au carborandum – 151,5 . 25 cm / env 130.25 cm – Atelier Pasnic, Paris –

Estar presente, 2011-2016

Acier Corten – 150.60.30 cm – Atelier J-L Ponce, Madrid –

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Une fois est coutume, on peut voir au Musée de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun, depuis une dizaine de jours et jusqu’au 22 mai 2016, une magnifique exposition d’un peintre et graveur dont les œuvres ne sont pas trop souvent montrées en France : Antonio Seguí.

« Céki Seguí ? », demandez-vous avec un esprit et une ignorance bien de chez nous. Question difficile. En tout cas, une première visite de l’expo, installée d’une manière remarquablement aérée, diversifiée et intelligible, permet de comprendre en quoi il n’est pas un grand artiste contemporain, ce qui explique qu’il ne soit pas, dans ce qui est devenu sa seconde patrie (né en Argentine en 1934, il s’est installé à Paris, puis à Arcueil, en 1963), plus célèbre, et qu’on découvre son œuvre, déjà extrêmement riche et renouvelée, dans un musée de province.

Un grand artiste contemporain, c’est quelqu’un dans le genre Buren,Toroni, Viallat ou Raynaud, qui fait des choses abstraites, simplistes, prétentieuses et ennuyeuses : Seguí, adepte anachronique du « more is more », peint et grave des compositions à la fois complexes et simples, qui grouillent de personnages à notre image (surtout si vous avez un long pif croquignolesque et si vous portez un chapeau) et ont une tendance marquée à être assez marantes (voire marrantes).

Passe encore qu’il fasse de la peinture « figurative », dans un style dérivé des anciens « comics », mais il était trop rebelle pour popartiser et trop indépendant pour se rallier à la « Figuration narrative » et à ses engagements politiques un peu trop simplistes ; comme, en tant que précurseur de la « Nouvelle figuration », il a oublié de sniffer de la dynamite, genre Combas ou Keith Haring, ses visions de la folie du monde paraissent curieusement sages.

Et puis, ses tableaux et ses gravures « parlent » – avec une certaine éloquence certaine, même -, comme si des décennies d’art muet ne nous avaient pas rendus complètement sourds à celui qui ne l’est pas (c’est curieux, ça : la peinture a évolué en sens contraire du cinéma …)

De quoi ça cause ? Du grotesque sanglant et pourrissant des gardiens des prisons familiales et patriotiques, de l’homo bordelicus, de souvenirs de vacances à la mer, de la beauté d’un paysage enneigé, du chaos du monde moderne, des gens innombrables qui, dans les villes, s’agitent en tout sens, de la schizophrénie ordinaire, des maffieux publics et privés qui dominent le monde, du théâtre de la vie sur la scène duquel se jouent simultanément d’innombrables pièces incompréhensibles, de la solitude de l’homme moderne dans le bruit omniprésent, … = des histoires de bruit, de fureur et d’absurdité sur lesquelles Shakespeare, Schopenhauer et Sempé ont déjà tout dit, alors à quoi bon les reprendre ? (surtout si c’est pour les raconter comme des histoires drôles !)

Ajoutez à cela qu’il travaille sans système, sans idée précise du résultat final, en improvisant, en ajoutant des immeubles ou des personnages selon les exigences du caprice et du contraste (de ce point de vue, on peut noter une certaine parenté avec la manière de procéder du peintre slovaque Igor Minarik, auquel mon collègue et patron, etienne cornevin, a consacré une longue étude Cf Chaosmose http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3911)

De plus, il dessine toujours avant de peindre : la mise en couleurs n’est pour lui que remplissage des parties du dessin, du coloriage !

Au lieu de se concentrer sur la peinture et de peindre le même tableau avec de très légères variations, il ne cesse de se renouveler et d’expérimenter de nouvelles techniques (lithographie, linogravure, photolithographie, eau-forte, sérigraphie, pochoir, gravure au carborandum, peinture sur bois découpé, sculpture en acier corten, …) par lesquelles il traite les mêmes thèmes de manière adaptée, avant de passer à autre chose (ce qui donne l’impression d’avoir affaire à plusieurs artistes, alors que le public est en droit d’attendre que chacun se contente d’exploiter la formule qui lui a valu son succès et permet de l’identifier : Arman c’est les accumulations, César c’est les compressions, Klein c’est le bleu, Buren c’est les bandes parallèles, …).

Léonard de Vinci reprochait à Botticelli de peindre toujours la même femme, et on pourrait reprocher à Antonio Seguí de peindre toujours le même bonhomme (en général un homme, les idéaux actuels de parité des sexes sont dans ces œuvres loin d’approcher d’un début de commencement de satisfaction) avec son sombrero bas de forme, son regard de zombie, son tarin agressif, sa cravate et son incapacité à rester immobile (Pascal condamnait la vanité de la peinture, mais il aurait peut-être compris celle-ci).

La nouvelle cuisine artistique nous a mis au régime depuis plus d’un demi-siècle, et Seguí se permet de nous servir des œuvres bien nourrissantes à tous égards, qui donnent inépuisablement à voir et à penser : on n’en finit pas de détailler les figures de chaque tableau, chaque estampe, ni d’en admirer la composition, beaucoup plus subtile qu’il n’y paraît, ni supputer leur sens, moins immédiat qu’on ne pourrait croire (sans parler des références d’époque des lithos des années 70, qui maintenant, sauf si on a une mémoire d’éléphant – de la pampa ou pas – nous échappent).

Last mais not moindre, le bougre a de l’humour, et ne le garde pas pour ses hors-oeuvres. Ses tableaux comme ses estampes sont souvent drôles, en même temps que graves (association de contraires que certains tiennent pour caractéristique du véritable humour) : il met de l’éléphant dans la pampa, peint des femmes réduites à leur moitié du bas (parce qu’elles ne sont qu’à moité à ce qu’elles font, dit-il), des hommes réduits à leur haut, sur un socle (parce qu’ils ne sont qu’à moitié à ce qu’ils font, sans doute), des personnages homme en haut et femme en bas, ou le contraire, des colonels à têtes de colonels, des hommes à trois oreilles d’un côté (six en tout?), des poulets plumés à tête d’homme (comme faisait déjà Goya), une chenille à tête d’homme, une tête sur ressort comme un diable de farces et attrapes, des villes qui sont d’immenses décors pour jeux de cache-cache, où comme des sperms à hat se hâtent vers leur zoïde des gens encore plus sales types que dans le livre de Jacques A.Bertrand …

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On comprend qu’avec tous ces défauts insignes, et même si certains critiques attardés les tiennent pour des qualités, Seguí ne puisse être considéré comme un grand artiste contemporain. Mais bon, nous sommes en démocratie, et il est bon que les dinosaures à chapeau puissent eux-aussi voir des tableaux dans lesquels ils peuvent se reconnaître. Pour ceux qui habitent dans les parages (à Paris, par exemple, distant seulement d’une petite heure et demie de train), son exposition pourra constituer un but de promenade dominicale qui changera agréablement du zoo et amusera peut-être les enfants (assez petits : après, il risquent de ne plus comprendre que des gens puissent évoluer dans une ville sans avoir les yeux fixés sur leur smartphone).